Marie-Laure MEYER est Conseillère Régionale de la Région Ile de France, secrétaire de la commission formation professionnelle et apprentissage du conseil régional d’Ile-de-France et membre du Conseil national de la Formation tout au long de la vie.
La Région Ile-de-France, plus que toutes les autres régions françaises, est confrontée à d’énormes mutations économiques et sociales. Le monde du travail évolue comme il n’a jamais évolué auparavant. Nos concitoyens s’interrogent, à juste titre, sur leur avenir professionnel. Sur celui qui sera nécessaire à leurs enfants. Les jeunes nous questionnent au quotidien sur leur insertion. Notamment quand ils sont en situation d’échec scolaire. Ils nous font part de leurs difficultés à franchir le cap de l’entretien d’embauche. Des salariés d’entreprises en difficulté se demandent comment ils pourraient s’en sortir s’ils devaient perdre leur emploi. Des séniors ont peur d’être les premiers sur la liste en cas de plan de licenciement et savent que l’âge et le manque de qualifications adéquates sont des obstacles quasi insurmontables à la reprise d’activité.
Toutes ces angoisses, la Région Ile-de-France les entend. Ces angoisses sont révélatrices de la fragilité de notre société, de l’état du monde du travail, de ses rapports de forces, de ses inégalités, de ses discriminations. La Région Ile-de-France a le devoir de lutter contre cette insécurité dans les parcours professionnels, d’apporter des solutions pratiques à ces jeunes qui décrochent ou mieux, avant qu’ils ne décrochent. A ces habitants des quartiers à qui on leur renvoie sans cesse le mot d’employabilité. A ces salariés pour qui leur entreprise n’a jamais proposé de formation. C’est son devoir parce qu’elle est une région forte. C’est son devoir parce qu’elle est désormais pilote de l’ensemble de la politique de formation professionnelle de son territoire. C’est un devoir que nous assumons pleinement puisque nous consacrons déjà près d’un tiers du budget régional à l’éducation, à la formation et à l’insertion. C’est son devoir parce qu’une population qualifiée est un atout dans la compétition mondiale que se livrent toutes les métropoles. Qu’élever le niveau de formation de chacun bénéficie à toute la société. C’est son devoir d’anticiper les transformations actuelles du monde du travail. D’identifier les besoins de formations de demain. Parce que l’acquisition d’une qualification reste plus que jamais aujourd’hui le meilleur moyen de ne pas s’enfoncer dans l’exclusion, d’acquérir un travail valorisant, de progresser dans la vie, de connaître une vraie évolution de carrière. De s’émanciper grâce à la culture, à de solides connaissances générales. De devenir véritablement acteur de son destin.
C’est la raison pour laquelle la Région a adopté en juin 2007 un schéma de la formation tout au long de la vie. Il exprime la stratégie de la Région pour la formation sur son territoire. Contrairement aux schémas régionaux de formation que nous avons pu adopter avec succès dans le passé, le Schéma régional de la formation tout au long de la vie est d’une toute autre ampleur. Il ne cible pas seulement une catégorie de jeunes comme les scolaires, les apprentis ou les jeunes accompagnés par les missions locales. Il embrasse dans un même document tous les publics : les lycéens, les étudiants, les apprentis, et pour la première fois, les jeunes et moins jeunes en formation dans les métiers sanitaires et sociales, mais également les salariés et les demandeurs d’emplois en formation ou souhaitant valider leurs acquis de l’expérience. Il met en complémentarité des dispositifs qui étaient auparavant adoptés séparément et met en cohérence notre action avec celle de nos partenaires sur les territoires.
La responsabilité de la Région Ile-de-France est désormais de piloter l’ensemble de la politique de formation sur son territoire. De jouer pleinement son rôle de coordinateur de l’ensemble de ses partenaires. De rendre plus lisible et plus efficace l’offre de formation. De décloisonner. De mettre en cohérence. Mais c’est également de notre responsabilité morale d’engager ces missions essentielles avec l’Etat, avec en particulier l’Education nationale, avec les autres collectivités territoriales, avec les partenaires sociaux, avec les entreprises. Avec aussi tous les acteurs de terrains tels que les lycées, les CFA, les missions locales les associations etc… Bref : avec tous ceux qui souhaitent relever le défi de la formation, le défi de l’insertion et le défi de l’orientation. Avec tous ceux qui refusent la fatalité de l’échec scolaire, dans l’enseignement secondaire comme dans l’enseignement supérieur. Qui refusent l’exclusion du monde du travail, en raison du manque de qualification. Qui refusent les discriminations et les préjugés en raison de son âge, de son sexe, de ses origines ou de ses handicaps. Qui refusent qu’un jeune ou un moins jeune soit condamné à ne pas recevoir une deuxième, une troisième chance si un jour, il perd pied. Notre rôle est de l’aider à se relever. A ne jamais penser comme inéluctable l’échec dans la vie.
Nous avons tous à cœur d’adapter l’offre de formation, de construire sa complémentarité. D’élever le niveau de la formation initiale. De renforcer chez les jeunes le nouveau trépied de l’insertion : qualification, maitrise des technologies de l’information et de la communication, pratique des langues. De développer l’offre dans les filières qui débouchent sur des métiers porteurs et qui préparent l’avenir. De répondre aux besoins importants des franciliens par exemple, en matière de santé, d’accompagnement de la personne en favorisant la création de nouveaux métiers. De diminuer les sorties du système scolaire sans qualification. De lutter contre le décrochage dans l’enseignement supérieur comme dans l’enseignement secondaire. De développer l’éducation à l’orientation dès le collège. De mettre en place une véritable coordination régionale d’un service public de l’accueil, de l’information et de l’orientation pour tous. D’améliorer et d’adapter la qualification de tous les demandeurs d’emplois mais également de tous les salariés des entreprises, même des plus petites. De pousser à l’innovation et à la recherche en aidant à la diffusion des travaux des jeunes docteurs auprès des milieux socio-économiques. De soutenir le rapprochement des établissements d’enseignement supérieur …
Le Schéma régional de la formation tout au long de la vie va changer beaucoup de choses. Parce qu’il est avant tout centré sur l’individu. Sur les projets personnels qu’il souhaite bâtir. Sur ses parcours. Sur les transitions. Sur la mixité des formations. En évitant à chaque fois que c’est possible les ruptures trop brutales. En développant la polyvalence des lieux de formations, facilitant les passerelles et valorisant la voie professionnelle. En l’informant des droits à se former, droits dont il doit pouvoir bénéficier et qu’il ne connaît pas toujours faute de lisibilité des dispositifs. A accéder à de nouveaux modes de formation. A valider les acquis de son expérience. En résumé : à s’insérer durablement dans la société, à s’épanouir dans le monde dans lequel il vit.
Ces angoisses ne sont cependant pas propres aux franciliens. Elles frappent l’ensemble des habitants de la planète. L’enjeu de la formation tout au long de la vie ne connaît pas de frontières. C’est devenu un enjeu politique pour tous les pays. La Région Ile-de-France est consciente de ses responsabilités sur son territoire mais aussi à l’international. Bien sûr, vis-à-vis de ses habitants mais aussi vis-à-vis du monde. L’émergence d’une société globale de l’information change profondément nos rapports au savoir. Pour le meilleur mais également pour le pire. Un nouvel ordre mondial de l’éducation est en train de naître. Un ordre producteur de très fortes inégalités si aucune régulation n’est apportée. La Région Ile-de-France croit en l’éducation tout au long de la vie. Elle en a fait l’un de ses axes majeurs. Le Schéma régional de la formation tout au long de la vie exprime ainsi la stratégie de la Région pour la formation sur son territoire. Elle souhaite que ce modèle soit partagé par le plus grand nombre. C’est pourquoi, la Région Ile-de-France a souhaité s’impliquer très fortement dans des programmes et des réseaux, qu’ils soient européens ou internationaux, plaçant au cœur de ses objectifs la défense d’un service public d’éducation tout au long de la vie. La mondialisation de l’éducation peut être bénéfique aux hommes et aux femmes à condition, comme le défend déjà admirablement l’UNESCO, d’être créatrice de droits accessibles à tous.
Au plan international, la Région Ile-de-France est très engagée dans le réseau Metropolis, présider par Jean-Paul Huchon, et qui réunit déjà plus d’une centaine de métropoles des cinq continents autour des thèmes de l’aménagement et du développement durable. Metropolis, section métropolitaine de Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU), s’attache à faire entendre la voix de ces collectivités et leurs propositions sur la scène internationale, au service des populations et des territoires. L’accroissement des responsabilités publiques qui incombent désormais aux grandes métropoles nous oblige ainsi collectivement à encourager les élus, leur personnel à se perfectionner et à accroître leurs expertises afin d’aider la collectivité à améliorer ses performances et lui permettre une plus grande adaptation aux nouvelles conjonctures. Nous pensons que la formation est devenue un impératif pour faire face aux défis urbains actuels et futurs. Ces constats ont incité Metropolis à s’engager dans cette nouvelle voie et à mettre sur pied l’Institut international de gestion des grandes métropoles. Cet institut, basé à Montréal, s’inscrit au cœur de la mission de l’association et concrétise la volonté de ses membres de faire de la formation et du perfectionnement une priorité et de renforcer la coopération et la solidarité internationale entre les métropoles membres.
En Europe, avec l’appui de son Bureau de représentation à Bruxelles, la Région Ile-de-France s’est engagée dans les débats européens ayant un impact sur son territoire. Nous travaillons notamment avec l’Agence française en charge des programmes de mobilité pour les jeunes européens. A la faveur de la Présidence française de l’Union européenne et en lien avec la Commission européenne, l’Ile-de-France a ainsi lancé un projet pilote expérimental de mobilité des apprentis, Eurostart. Dans le cadre du programme de coopération entre l’Ile-de-France, la Mazovie (Pologne) et le Brandebourg (Allemagne), soutenu par l’Etat, ont été organisés un festival culturel, une session du Parlement européen des jeunes des trois Régions, des visites d’experts dans les domaines de l’éducation spécialisée et de l’environnement. Par ailleurs, la Région Ile-de-France est partenaire de l’Académie de formation que l’Assemblée des Régions d’Europe (ARE) a mise sur pied dans le domaine des affaires européennes. Plusieurs sessions de formation à destination des élus et des services des Régions membres se sont déroulées, les représentants des collectivités à Bruxelles apportant leur expertise comme formateurs.
La Région Ile-de-France a également noué des coopérations décentralisées avec une quinzaine de collectivités de par le monde, de Sao Paolo au Gauteng en Afrique du sud, en passant par le Mali et la Mauritanie. Au Liban, nous appuyons le programme « Oasis de l’espérance, une formation pour l’avenir » à Beyrouth afin de lutter contre l’échec scolaire et les risques d’exclusion sociale liée à l’exclusion scolaire. Au Sénégal, nous soutenons le projet « Village des femmes » de Keur Massar, créé et géré par l’Association de coopération des femmes africaines (Acofa), et qui accueille des femmes en situation d’isolement et de précarité. Au Viêt-Nam, nous avons créé en 2001 avec le Comité populaire de Hanoï en 2001 un Institut des Métiers de la Ville (IMV). Cet Institut a pour mission d’accompagner la mise en œuvre de nouvelles méthodes de planification et de gestion urbaine, répondant aux principes du développement durable.
Ainsi, le droit à la formation tout au long de la vie peut être exploré par chacun de nous. Les actions concrètes menées par la Région Ile-de-France le prouvent : il est possible de bâtir un espace mondial d’éducation et de formation. Un espace régulé et de partage, du Nord au Sud, afin de permettre à chacun d’entre nous la réussite professionnelle et l’épanouissement personnel.