Reconnaître
Un jour, je rentrais chez moi avec mon cher ami Pierre Freynet d’une table ronde à laquelle j’avais participé en tant qu’intervenant sur le thème de la « Reconnaissance ».
Quand nous arrivons au coin du siège administratif de mon alma mater, l’Université René Descartes, j’aperçois une personne âgée qui était assise contre le mur en position fœtale.
Je dis à Pierre : « Cette personne doit avoir besoin de manger. Je vais lui donner de l’argent pour qu’il puisse le faire ».
Je m’approche de lui et lui dis : « Seigneur, Seigneur ». Il lève la tête, me regarde, se lève et me dit : « I am not standing up because you gave me money, but because you are the first person in two hours who recognize me as a human being ». [« Je ne me lève pas parce que tu m’as donné de l’argent, mais parce que tu es la première personne en deux heures à me reconnaître en tant qu’être humain »].
Nous nous sommes regardés et avons été stupéfaits. Il nous avait dit précisément ce que j’avais évoqué à la table ronde.
‘Recognize’, en anglais, signifie ‘reconnaître’ en français. Si on segmente le mot en français, on obtient : «re-con-naître». Si quelqu’un te ‘reconnaît’, tu ‘renais’. Tu n’es pas une chose. Tu es une personne.
Et cette phrase me rappelle un dicton de mon cher ami le théologien de la libération Gustavo Gutiérrez : « Le centre de nous-mêmes n’est pas dans l’autre, mais passe par l’autre ».
Par conséquent, savoir qui nous sommes passe par la relation que nous avons avec les autres. Et cela révèle, à son tour, quels sont les principes et les valeurs qui nous guident et que nous incarnons dans nos relations, dans notre comportement avec les autres.
Mais nous ne sommes pas nés êtres humains. NOUS LE DEVENONS. Et nous le faisons dans un système social (constitué des sous-systèmes biologique, politique, culturel et économique) qui a un caractère historique et le devenir de chaque personne est considérablement conditionné par le système social dans lequel il vit.
Et c’est la nature et la qualité de nos relations avec les autres dans la vie en société qui conditionnent historiquement notre personnalité, nos projets de vie et nos réalisations.
Raison d’être du CIS.H
Dans ce contexte, la raison d’être du CIS.H ne peut être abordée et définie – à la fois en termes de connaissances et d’actions transformatrices– que dans le cadre d’une réflexion et d’une action sur le système social dans lequel vivent les gens, qui, à son tour, fait partie de systèmes sociaux ou de supersystèmes plus larges aux niveaux régional et international.
Cela signifie que notre objet d’analyse est le système social. Nous devons donc comprendre la nature, la composition, les mécanismes et la dynamique socio-historique des relations entre les sous-systèmes biologique, économique, politique et culturel.
Dans ce contexte, je partage pleinement ce que dit notre président Hervé Cochet dans son message destiné à justifier la nécessité de changer la dénomination de notre association en conservant son sigle : Collège International des Sensibilités. Harmattan (CIS.H) pour: […] rechercher, débattre et publier sur des problématiques qui interpellent le Monde dans son fonctionnement et ses difficultés. Son esprit repose sur le partage et l’échange d’idées, rigoureuses et diversifiées, sans recherche de consensus ou de synthèse, mais bien au contraire, avec exploration et regroupement respectueux des différents points de vue exprimés et argumentés.
Le terme ‘Senior’, à l’usage et malgré un long travail de définition, s’avère un obstacle, une étiquette réductrice. Le CIS.H s’intéresse à l’ensemble de la vie, il ne focalise pas son attention et ses actions sur une tranche spécifique d’âge ou de compétence. [Souligné par nous]
Le CIS.H nous offre donc une occasion unique de rencontrer et d’échanger–in mentis ou in res– avec des personnes avec lesquelles nous partageons des principes, des valeurs et des idéaux qui nous enracinent dans la vie et nous donnent des ailes grâce à nos rêves, nos projets, nos réflexions et nos actions partagés.
Je considère que le (CIS.H) peut devenir pour nous tous un vecteur précieux pour contribuer aux changements nécessaires dans un système -monde sans boussole – comme le démontre la crise tragique et déshumanisante que nous traversons aujourd’hui en tant que produit de l’histoire de notre pays-monde–, qu’il faut changer radicalement pour faire possible le plein épanouissement de TOUTE LA PERSONNE et de TOUTES LES PERSONNES TOUT AU LONG DE LA VIE.
Il s’agit donc de créer les conditions systémiques qui rendent possible un pays-monde différent dans lequel la vie de chaque personne et le plein épanouissement de son potentiel tout au long de sa vie sont les valeurs pivots de tout le reste. Ce qui est en jeu, c’est la cohésion sociale, la possibilité même de vivre ensemble librement, de manière créative, solidaire et en paix – qui est fille de la justice et de la vérité.
Déclaration des droits de l’homme
Certes, cela n’a rien de nouveau. La Déclaration universelle des droits de l’homme, approuvée et proclamée le 10 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations Unies à Paris et signée par ses États membres, commence son préambule avec ces deux considérations :
Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.
Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité et que l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme.
Après avoir conclu les considérants, la déclaration énonce l’Article 1 :
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.
Diversité
Aujourd’hui, la grande majorité de l’humanité vit dans un PAYS-MONDE. Donc, s’il y a quelque chose qui constitue une caractéristique essentielle, c’est SA GRANDE DIVERSITÉ : ethnique, linguistique, sexuelle, culturelle, politique, économique, environnementale. Mais malgré les engagements pris par les États membres des Nations Unies avec la Déclaration universelle des droits de l’homme, les progrès réalisés sont loin d’avoir fait du respect des droits de l’homme une réalité pour la grande majorité de l’humanité. Il y a plutôt une grande MÉCONNAISSANCE.
La soi-disant « mondialisation » lui donne un nouveau caractère, une nouvelle ampleur et une nouvelle dynamique, ainsi que des impacts sans précédent sur la vie des êtres humains et de la planète. L’expérience séculaire des processus d’industrialisation et de modernisation à travers le monde nous montre que les tendances prédominantes se traduisent par un écart croissant en termes de concentration des richesses et, par conséquent, du pouvoir économique, politique et culturel. Et cette asymétrie croissante dans l’accès et l’utilisation de la richesse et du pouvoir génère des conditions de vie qui s’apparentent davantage à la mort pour une grande partie de l’humanité et à la pauvreté pour une autre partie non moins importante.
L’ampleur des écarts entre groupes, secteurs et classes sociales montre clairement les signes d’une société profondément fracturée. Le refus de reconnaissance génère des sentiments tels que la honte, la colère, l’indignation, la révolte, la violence… et cela peut se produire à l’infini dans la lutte pour la reconnaissance. Ce qui est donc le plus inquiétant et le plus dangereux pour l’avenir de l’humanité, c’est la détérioration du système de valeurs dans presque toutes les sociétés humaines.
L’objectif principal d’une approche de développement humain est de placer les personnes au centre du développement, en renforçant leurs capacités et en leur offrant les mêmes opportunités, quel que soit le lieu où ils naissent ou vivent, de leur statut social, de leur sexe ou de leur race, ou des leurs convictions religieuses ou politiques.
Il est nécessaire de créer un système-monde avec boussole, destiné à générer les conditions qui rendent possible la pleine floraison de toute la personne et de toutes les personnes, afin que nous puissions faire solidairement de notre vie notre chef-d’œuvre.
Il est donc essentiel de passer de la MÉCONNAISSANCE à la RECONNAISSANCE en tenant compte de notre DIVERSITÉ CRÉATIVE. Et cela suppose nécessairement de développer notre SENSIBILITÉ, c’est-à-dire de percevoir et de réfléchir indissociablement, et de nous orienter –comme le dit notre président Hervé Cochet – « avec la ‘devise’ que l’association s’est peu à peu construite dans le sillage des Éditions l’Harmattan : « au carrefour des cultures et des générations ».
Alfonso E. Lizarzaburu
Lima, mardi 9 janvier 2024
Être jeune
Général Douglas McArthur
La jeunesse n’est pas une période de la vie, c’est un état d’esprit, un effet de la volonté, une qualité de l’imagination, une intensité émotive, une victoire du courage sur la timidité, du goût de l’aventure sur l’amour du confort.
On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années, on devient vieux parce qu’on a déserté son idéal. Les années rident la peau, renoncer à son idéal ride l’âme. Les préoccupations, les doutes, les craintes et les désespoirs sont les ennemis qui, lentement, nous font pencher vers la terre et devenir poussière avant la mort.
Jeune est celui qui s’étonne et s’émerveille. Il demande comme l’enfant insatiable : et après ? Il défie les événements et trouve de la joie au jeu de la vie.
Vous êtes aussi jeune que votre confiance en vous-même. Aussi jeune que votre espoir. Aussi vieux que votre abattement.
Vous resterez jeune tant que vous resterez réceptif. Réceptif à ce qui est beau, bon et grand. Réceptif aux messages de la nature, de l’homme et de l’infini.
Si un jour votre cœur devait être mordu par le pessimisme et rongé par le cynisme puisse Dieu avoir pitié de votre âme de vieillard.